Extrait de "Pire Ailleurs"
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Pire Ailleurs
Pire Ailleurs - Les enquêtes de l'inspecteur Soltana
Pire ailleurs roman policier - Pascal LAURENT

"C’est la fin de l’été, enfin. Encore un été à oublier, à rayer de ma mémoire, à l’égal des autres. Encore un été destructeur, un été où les enfants libres jouent et rient, un été où les grands se reposent, un été où je souffre. Une souffrance indicible, ineffable, cruelle et sournoise. Je ne me souviens pas précisément de l’été de la césure, quand tout a basculé, quand les beaux mois sont devenus pour moi, saison d’horreur. Il y eut comme une espèce d’engrenage, comme si chaque été se devait d’être pire, plus cruel encore que celui d’avant. C’est arrivé crescendo, et je n’ai jamais rien pu y faire, jamais pu empêcher quoique ce soit, il me fallait vivre ces moments et les comprendre. L’été désormais, j’aimerais pouvoir hiberner, même si ce n’est pas la saison pour cela, me cacher ou m’enfouir, disparaître et renaître quand les arbres changent de couleur et perdent leurs feuilles. C’est cette saison qui désormais marque ma différence avec les autres vivants. Quand ils l’attendent avec impatience, je la redoute, quand ils en rêvent, j’en cauchemarde, quand ils s’amusent et se détendent, je me crispe, hurle, frappe, tue et pleure.
Désormais à chaque fois se répète le même scénario et dans le même ordre, les angoisses, la peur, l’envie, la mort, la délivrance et le repos. Puis, c’est un cycle qui redémarre, dix mois d’une relative tranquillité, où la bête qui est en moi rentre elle, en hibernation, rassasiée. Elle me laisse enfin respirer, ne fait plus trembler les membres, et je redeviens un homme ordinaire, trop ordinaire peut-être à son goût et aux miens.
J’aime ce calme retrouvé. La bête désormais repue et qui dort en moi, fait s’effacer de ma mémoire les stigmates des étés. Mais elle et eux seront de retour l’été prochain, c’est inscrit depuis longtemps, c’est invariable, je le sais, et dois m’y attendre, c’est immuable, comme un rituel satanique. Je n’ai rien à faire, je ne peux rien faire pour changer cela, seulement attendre un autre été, seulement attendre le dernier été. Il tarde à venir et cela augmente l’horreur, la liste. Heureusement la bête agit sur ma mémoire comme un trou noir. Il n’y a que durant l’été qu’elle remet tous les éléments, tous les événements à leurs places dans ma tête, que tout me revient avec clarté, avec netteté. Calmement, tout s’inscrit à nouveau dans ma boite crânienne, je me souviens. Au début je me refuse à y croire, puis tout devient plausible, d’endormi je passe à éveillé, puis à très éveillé. Revient aussi le goût et l’envie de l’autre, le souvenir des autres."

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